Stimuler la créativité chez les apprenants n’est plus un enjeu réservé à l’art ou à l’innovation : c’est aujourd’hui une compétence essentielle dans tous les contextes éducatifs, professionnels et sociaux. Développer cette ressource permet de favoriser l’engagement, l’adaptation et l’autonomie intellectuelle.
En tant que formatrice, je m’adresse ici à vous — enseignants, formateurs, éducateurs, AESH — qui cherchez à intégrer davantage de créativité dans vos pratiques pédagogiques. Oui, il est possible de la nourrir par des leviers simples, soutenus par les apports des neurosciences, de la psychologie cognitive et des sciences de l’éducation.
Dans cet article, je vous propose une approche concrète, structurée en trois grands axes : poser les fondations cognitives, élargir l’imaginaire, puis cultiver l’agilité mentale et un environnement porteur. À chaque étape, des outils pratiques à intégrer directement dans vos formations.
1. Les fondations de la pensée créative
Avant de stimuler l’imagination, il est essentiel d’ancrer des bases cognitives solides. Cette première étape du processus créatif consiste à structurer la pensée, poser les bonnes questions et organiser l’information. Elle repose sur deux compétences centrales : clarifier la demande et sélectionner les données utiles.
« Clarifier une demande, c’est déjà ouvrir un espace de pensée. C’est en posant les bonnes questions que la créativité peut commencer à s’activer. »
— Catherine Eymery, 2012
1.1 Clarifier la demande
Clarifier une demande ou reformuler un besoin est souvent une première étape clé pour stimuler la créativité chez les apprenants, en posant les bases d’une réflexion ouverte et structurée. De fait, un processus créatif efficace commence toujours par une analyse fine de la demande. Cela signifie comprendre ce qui est réellement attendu, identifier les besoins implicites, reformuler les enjeux ou poser des hypothèses claires. C’est cette capacité qui permet d’éviter des solutions superficielles.
Le mind-mapping, développé par Tony Buzan (1996), est un outil particulièrement adapté à cette étape. En activant les deux hémisphères cérébraux, il aide vos apprenants à visualiser une problématique sous plusieurs angles, à organiser leurs idées et à identifier les points de tension ou d’opportunité.
1.2 Sélectionner les informations pertinentes
Face à la surcharge d’informations, savoir trier ce qui est pertinent devient indispensable. Cette compétence est appelée encodage sélectif : elle permet d’isoler les éléments clés et de les organiser autour d’un objectif clair.
Stanislas Dehaene (2018) insiste sur l’importance de cette fonction cognitive dans les processus d’apprentissage, de mémorisation et de résolution de problèmes. Proposez à vos apprenants des outils comme les cartes de pertinence ou le jeu des 5 pourquoi pour renforcer leur attention sélective et leur capacité à hiérarchiser les données.
Pour aller plus loin sur l’impact du cerveau sur l’apprentissage, vous pouvez lire cet article sur les apports des neurosciences.
2. L’expansion de l’imaginaire
Une fois les bases posées, le processus créatif se nourrit de liberté, de curiosité et d’audace. En tant que formateur ou enseignant, vous avez un rôle clé pour libérer l’imaginaire de vos apprenants, leur permettre d’explorer sans crainte, et de mobiliser leur intuition. Cette phase repose sur trois capacités : générer, associer et ressentir.
« Faire des détours, c’est souvent là qu’on fait des trouvailles. »
— Abernot, 1993
2.1 Stimuler la pensée divergente
Pour stimuler la créativité chez les apprenants, il est fondamental de leur offrir un espace sécurisé où la pensée divergente est encouragée sans crainte de jugement. Cette dernière consiste à générer un maximum d’idées, sans jugement. Elle permet d’explorer de multiples pistes, y compris les plus originales. Dans une séance pédagogique, cela peut passer par des brainstormings, des jeux d’idées folles, ou des dessins spontanés.
Ellis Paul Torrance (1976), pionnier de l’évaluation de la créativité, a montré que cette capacité pouvait être entraînée dès le plus jeune âge. Elle favorise non seulement la production d’idées mais aussi l’estime de soi et la motivation.
2.2 Créer des analogies
Faire des analogies permet de créer des ponts entre des domaines éloignés. C’est un levier puissant pour enrichir la compréhension, découvrir de nouveaux points de vue, ou produire une solution innovante. Par exemple, comparer un conflit à une partie d’échecs peut faire émerger des stratégies différentes.
Arthur Koestler (1964) parle de “bisociation” : une rencontre entre deux cadres de pensée jusque-là séparés. Vous pouvez stimuler cette capacité en proposant des exercices d’objets détournés, de métaphores ou d’histoires croisées.
2.3 Évaluer intuitivement
Une fois les idées posées, il est temps d’affiner. Cette phase fait appel à l’intuition esthétique, cette capacité à sentir si une idée « fonctionne », si elle a du potentiel, sans forcément passer par l’analyse logique.
Henri Poincaré (1908) évoquait cette dimension non rationnelle dans le choix des idées scientifiques. Encouragez vos apprenants à tenir un journal de l’idée, où ils reviennent sur leurs intuitions, les confrontent et les affinent. Ce rituel nourrit leur autonomie et leur sens critique.
3. L’agilité et l’environnement créatif
Pour que la créativité s’exprime pleinement dans vos parcours pédagogiques, elle doit être soutenue par deux piliers : une agilité mentale face aux imprévus et un environnement propice à l’expérimentation. En tant que formateur ou éducateur, vous avez un rôle essentiel dans la mise en place de ces conditions, tant pour vous-même que pour vos apprenants.

« L’agilité mentale repose sur la réinterprétation des situations, la capacité à revoir ses plans sans se rigidifier. »
— Clément, 2007
3.1 Développer la flexibilité cognitive
La flexibilité cognitive permet d’adapter rapidement ses idées, de changer d’angle de vue ou encore de rebondir face aux imprévus. Cette capacité est essentielle pour naviguer dans un environnement d’apprentissage complexe ou en constante évolution. Comme le souligne Clément (2007), l’agilité mentale repose sur la réinterprétation des situations, la capacité à revoir ses plans sans se rigidifier.
👉 Exercice pour vos ateliers : Proposez des jeux de scénarios où les contraintes changent en cours de route. Exemple : un apprenant conçoit un module pour adultes, mais doit l’adapter soudainement pour un public adolescent. Cet exercice favorise la souplesse de pensée et stimule la créativité adaptative.
3.2 Créer un climat favorable à la créativité
Un environnement bienveillant, ouvert à l’expérimentation et au droit à l’erreur est une condition essentielle. Ce climat bienveillant est indispensable pour stimuler la créativité chez les apprenants de façon durable et authentique, en leur permettant d’oser des idées nouvelles. En effet, la sécurité psychologique permet à chacun d’oser partager des idées, même farfelues, sans crainte de jugement. En formation, cela passe par des rituels d’accueil, des feedbacks constructifs et une valorisation de l’initiative.
🎯 Astuce pratique : Mettez en place un « mur des idées folles » où chacun peut afficher ses propositions les plus décalées. Vous verrez souvent que certaines d’entre elles seront, avec un peu de remaniement, les plus innovantes !
3.3 Encourager la pleine conscience
Des études en psychologie cognitive ont démontré que la pleine conscience favorise la pensée divergente (Colzato et al., 2012). En réduisant le bruit mental, elle aide à clarifier les idées, à prendre du recul et à mieux gérer les émotions négatives pouvant bloquer la créativité.
💡 Suggestion : Initiez vos apprenants à de courtes pratiques de méditation avant un exercice de production créative : quelques minutes de respiration consciente suffisent à améliorer la qualité des idées émises.
4. Plan d’action créatif à tester cette semaine
Pour ancrer les capacités intellectuelles présentées dans cet article, rien de tel que la mise en pratique. Voici une proposition simple, adaptable dans vos formations ou dans votre quotidien professionnel, pour nourrir la créativité jour après jour.
- 🎯 Lundi :
Lancez un brainstorming individuel ou collectif autour d’un thème libre. Objectif : générer au moins 20 idées en 10 minutes, sans jugement. Vous pouvez utiliser des post-its ou des outils numériques visuels.
- 🎯 Mercredi :
Notez ou demandez à vos apprenants d’identifier 3 situations récentes où ils ont fait preuve de flexibilité cognitive. Encouragez un retour réflexif : qu’auraient-ils fait différemment il y a un an ?
- 🎯 Vendredi :
Tenez un journal créatif : proposez à chacun de traduire une idée ou une émotion du moment par un dessin, une métaphore, un collage ou une phrase poétique.
Ces exercices renforcent la pensée divergente, la réflexion intuitive et la confiance créative. Vous pouvez les adapter à vos thématiques de formation ou les utiliser comme rituels de démarrage.
Conclusion
La créativité n’est pas un don figé, mais une dynamique qui se cultive chaque jour. En développant des capacités comme la flexibilité, l’intériorisation intuitive, la pensée analogique ou encore la clarté cognitive, vous accompagnez vos apprenants à devenir plus autonomes, plus inventifs et plus confiants dans leurs idées. Vous contribuez ainsi à stimuler la créativité chez les apprenants au quotidien, tout en consolidant leurs compétences transversales et leur autonomie d’apprentissage.
En tant que formateurs, enseignants, éducateurs ou AESH, vous êtes aussi des éveilleurs d’élan créatif. Intégrer des rituels simples, proposer un cadre bienveillant et inviter à l’exploration sont autant d’actes pédagogiques puissants pour révéler le potentiel de chacun.
Si ce sujet vous inspire, si vous aimez explorer de nouvelles pistes pédagogiques et enrichir vos pratiques créatives au quotidien, je partage régulièrement des outils et inspirations sur mon espace Instagram. Peut-être que cela vous plaira aussi.